Les protections hygiéniques féminines à usage unique, en majeure partie composées de plastique non biodégradable, ont un impact écologique considérable. Plusieurs études ont, par ailleurs, révélé qu’elles contenaient des traces de substances nocives pour la santé. Face à ce constat inquiétant, que pouvons-nous faire ? Existe-t-il des alternatives durables et saines aux protections hygiéniques jetables ? Free bleeding, coupe menstruelle, serviette hygiénique lavable et culotte de règles (culotte menstruelle) : voici 4 solutions pour vivre ses règles en mode Zéro Déchet.
Par Charlotte
Protections hygiéniques à usage unique : quelques chiffres en guise de préambule
Le saviez-vous ? Une femme européenne réglée consomme en moyenne entre 8000 et 17000 tampons ou serviettes hygiéniques jetables dans sa vie. Cela correspond à 150 kilos de déchets (source : Peberdy et al., 2019).
49 milliards de protections hygiéniques classiques ont été produites en 2017, dans les pays européens seulement ; soit l’équivalent de 590 000 tonnes de déchets. Sur ce total, 13% ont été incinérées. Le 87% restant, soit 100 milliards de protections hygiéniques jetables, ont été entassées dans des décharges à ciel ouvert (source : Zero Waste Europe, 2020). Le saviez-vous encore ? Une serviette hygiénique jetable met entre 500 et 800 ans à se décomposer naturellement.
Composition des protections hygiéniques jetables
Connaissez-vous la composition des protections hygiéniques à usage unique ? Il y a fort à parier que non… Et pour cause ! Les industriels n’y étant tenus par aucune loi, ces informations ne figurent pas sur les emballages. Je suis allée jeter un coup d’oeil sur un paquet de serviettes hygiéniques Always Ultra Night : aucune indication de composition n’y figure en effet, excepté la mention d’un parfum pour « neutraliser les odeurs » et un site internet auquel on me renvoie pour en savoir davantage (il est vrai que le moment des courses est on ne peut plus propice pour aller se documenter sur la Toile !). Sur un autre paquet de tampons de marque OB, aucune information ne figure non plus sur la composition.
Chacun·e d’entre vous pourra compléter cet embryon d’enquête en allant regarder sur ses emballages ou dans les rayons des magasins. Des observations que nous serions intéressé.es de voir partagées en commentaire :-).
Dès lors, vu l’absence d’indications sur les matières premières utilisées dans ces produits, on est en droit de se poser sérieusement la question de savoir s’ils ne contiennent pas d’autres substances potentiellement nocives pour la santé. Et, en effet, c’est ce qu’ont révélé plusieurs études sur le sujet dont les résultats sont loin d’être rassurants. Le magazine 60 millions de consommateurs a notamment publié un article très complet sur la composition de ces produits en fonction des marques. Vous pouvez le consultez ici. Voici une synthèse :
Les protections hygiéniques classiques sont en majeure partie composées de plastique (polyéthylène). Une serviette hygiénique contient l’équivalent d’environ 4 sacs plastiques. Des plastiques non biodégradables qui terminent leur vie dans des décharges, dans les océans ou sur les plages. Sous l’effet de la lumière, ils se décomposent alors en microplastiques, puis en nanoplastiques qui vont s’infiltrer dans les maillons de la chaîne alimentaire (faune marine, algues, etc.). La présence massive de plastique dans les protections hygiéniques est également problématique pour la flore vaginale, car il favorise la prolifération bactérienne (par macération).
Certains d’entre eux sont plus nocifs que d’autres. Entre autres, tous ceux qui contiennent des bisphénols (BPA, BPS), qui sont des perturbateurs endocriniens. Ce lien contient en fin d’article un tableau qui indique quel type de plastique il vaut mieux éviter.
Les protections jetables contiennent en outre des substances absorbantes, comme les polymères acryliques. Mais aussi des parfums, potentiellement irritants pour la muqueuse vaginale, et autres neutralisateurs d’odeurs, comme les nanoparticules d’argent. On trouve aussi différentes substances adhésives (colles) et des agents de blanchiment chlorés, utilisés pour donner un aspect blanc immaculé aux protections hygiéniques. Ces substances peuvent induire des altérations cellulaires, une baisse du système immunitaire ainsi que des perturbations endocriniennes. Enfin, il y a des phtalates, ajoutés pour donner un aspect brillant aux applicateurs des tampons, capables de provoquer des modifications génétiques. On trouve aussi des traces de glyphosate (un pesticide) et de pyréthrinoïdes (insecticides). En bref, et c’est le moins qu’on puisse dire, les protections hygiéniques jetables sont un véritable concentré de produits issus de la pétrochimie ! Les protections hygiéniques bio ne contiennent, en principe, pas de substances toxiques.
Les alternatives
Non soutenables pour l’environnement et potentiellement dangereuses pour la santé, les protections hygiéniques jetables ne sont pourtant pas une fatalité, car il existe de nombreuses solutions alternatives. En voici 4 :
1. Le Free Bleeding
Le Free Bleeding est un mouvement féministe né dans les années 1970s aux États-Unis.
L’idée est de briser les tabous sexistes selon lesquels les règles seraient impures. Ce que dénoncent surtout les adeptes du mouvement, c’est l’obligation faite aux femmes de porter des protections hygiéniques. Des protections hygiéniques qu’elles ressentent comme une contrainte imposée par la société patriarcale (violence symbolique) pour dissimuler un phénomène physiologique naturel qui manifeste pourtant la vitalité et la puissance du corps féminin.
Pour les free bleeders, les saignements menstruels ne sont pas honteux. C’est pourquoi elles disent non aux protections hygiéniques, quelles qu’elles soient, et laissent couler leurs règles librement en public, quitte à tacher leurs vêtements. Ce qu’elles assument totalement.
Le mouvement dénonce aussi les profits réalisés par les fabricants de protections hygiéniques classiques. Un coût économique à la charge des femmes, exclusivement. Il pointe aussi du doigt les inégalités face à des produits coûteux, auxquels certaines femmes socialement défavorisées n’ont pas accès.
2. La cup : alternative Zéro Déchet aux tampons jetables
La cup : quèsaco ? La coupe menstruelle, ou cup pour les anglophones, comme son nom l’indique, ressemble à une petite coupe. Souple et haute de quelques centimètres, elle se termine par une petite tige. Mise sur le marché en même temps que les tampons dans les années 1930s, ce n’est pourtant que récemment qu’elle a gagné en popularité.
Elle existe en différentes tailles et matières : silicone, latex ou élastomère thermoplastique (TPE). Comment l’utilise-t-on ? La coupe menstruelle se place à l’intérieur du corps comme un tampon. La différence, c’est que la coupe n’absorbe pas le sang, elle le récolte.
Durable et économique, la cup présente de nombreux avantages. Elle est (presque) Zéro Déchet, car elle peut être utilisée/a une durée d’utilisation entre 3 et 10 ans. Elle vous permet de réaliser des économies. Son prix, de 15 à 35 euros, équivaut environ à une année d’achat de tampons.
Inconvénient : au même titre que les tampons, la coupe menstruelle demande une hygiène sans faille. Il faut la stériliser fréquemment à l’eau bouillante. Se laver les mains avant de l’introduire dans le vagin et la vider régulièrement. Si on la laisse trop longtemps à l’intérieur du corps, elle peut, comme les tampons, provoquer le syndrome du choc toxique. Pourquoi ? Le sang qui macère alors dans la cup favorise la prolifération bactérienne, d’autant plus que la température corporelle de 37° est idéale pour cela. En trop grande quantité, ces bactéries (staphylocoques dorés) se diffusent dans le sang et peuvent provoquer une infection généralisée, dont les conséquences peuvent être très graves. Le syndrome du choc toxique, rare, peut cependant être évité si on observe les précautions d’hygiène recommandées.
Autres inconvénients : vider sa cup dans les toilettes en commun peut s’avérer problématique en raison du tabou posé sur les règles que dénonce le mouvement du free bleeding (dont nous avons parlé plus haut). Une femme travaillant dans une entreprise à la culture particulièrement patriarcale pourrait, en effet , renoncer à vider sa coupe menstruelle au lavabo des toilettes devant ses collègues (même si ce sont des femmes), mettant ainsi sa santé en danger. Une cup qui n’est pas vidée régulièrement peut, rappelons-le, causer le syndrome du choc toxique. Enfin, il n’existe, à notre connaissance, aucune étude démontrant l’innocuité des matériaux utilisés dans la fabrication des coupes menstruelles.
3. Serviette hygiénique lavable Zéro Déchet
Écologiques, économiques et garanties sans substances toxiques, les serviettes hygiéniques lavables ont conquis de nombreuses femmes qui veulent vivre en mode Zéro Déchet. Ces serviettes sont composées d’une zone absorbante et de deux languettes à pression pour l’attacher. Les textiles et matières utilisés peuvent varier selon les marques, mais les produits sont tous éco-conçus. La composition est transparente et on sait ce qu’on utilise : bambou et coton biologique par exemple pour les marques Pink Daisy et Plim. Le label européen Oeko-test garantit qu’aucun produit chimique n’est présent dans la composition des serviettes hygiéniques lavables.
Côté budget, comptez entre 17 et 20 euros pour une serviette hygiénique lavable, garantie pour 200 cycles de lavage. Il faut cependant bien s’organiser et disposer de plusieurs serviettes lavables, entre 6 et 10, conseille Astrid, sage-femme, pour pouvoir tourner avec.
Comment entretenir vos serviettes hygiéniques lavables ? Les faire d’abord dégorger à l’eau froide ! N’utiliser ni eau chaude, ni eau tiède qui, en fixant le sang, risqueraient d’incruster encore plus la tache. Ensuite, vous pouvez les mettre en machine dans une lessive normale de vêtements à 30-40 degrés, ou suivre les indications de température fournies par la marque. Si vous êtes en déplacement dehors, vous pouvez tout simplement placer vos serviettes dans des pochettes avec un zip, en attendant de les faire dégorger à la maison.
Le site EcoVerde et la chaîne de magasins Bio Vrac de proximité Chez Mamie proposent de jolies pochettes imperméables pour les ranger en attendant d’être chez vous.
4. La culotte menstruelle
Le principe des culottes menstruelles ? Sont intégrées dans la culotte : une couche intérieure en contact avec la peau qui laisse passer l’humidité, généralement en coton. Une couche intérieure faite d’un matériau super absorbant comme le bambou. Une couche extérieure imperméable, le plus souvent une matière synthétique comme le polyester ou le PUL. Comme les serviettes lavables, il faut en avoir plusieurs et tourner avec. On les entretient aussi de la même manière, avec un premier prélavage à froid, puis un passage en machine à 30-40 degrés.
La plupart des fabricants de culottes de règles garantissent des matériaux écologiques et non toxiques. En France, plusieurs petites entreprises gérées par des femmes sont ainsi apparues sur internet et affichent une philosophie éthique et éco-responsable : Fempo, Réjeanne, Dans ma culotte, etc. La marque Les Pourprées, par exemple, garantit une fabrication 100% française pour limiter les transports, coûteux en CO2. Elle se préoccupe de fournir de bonnes conditions de travail à ses couturières, utilise du coton issu de l’agriculture biologique et affiche le label Oeko-test. Elle se distingue aussi par ses modèles en dentelle particulièrement séduisants. En revanche, on déconseille la marque américaine Thinx pour son utilisation de nanoparticules d’argent. Nanoparticules d’argent qui, utilisées comme agent antibactérien dans de nombreux vêtements de sport, sont suspectées d’être cytotoxiques. Vous avez peur de vous transformer en bibendum en utilisant une culotte de règles ? Détrompez-vous ! Elles sont très fines. La marque Fempo propose des modèles de moins de 2 mm d’épaisseur, par exemple.
Apparues récemment sur le marché, les culottes de règles suscitent des témoignages plutôt favorables parmi les membres de ZeroWaste Geneva que nous avons interrogés :
Je préfère largement les culottes menstruelles aux protections lavables. L’avantage, c’est que ça ne bouge pas, contrairement aux serviettes, ce qui limite les fuites. Très pratique pour le sport par exemple, dit Carine, responsable de la communication à ZeroWaste Geneva.
Je suis passée à la culotte menstruelle depuis maintenant 1 an et demi et j’adore ! s’exclame Maroussia, notre responsable de la communication digitale, réticente à utiliser une protection féminine interne, comme la cup.
Et vous ? Utilisez-vous les culottes de règles ? Avez-vous des remarques, un témoignage à apporter à leur sujet ? Quels sont vos solutions, conseils et astuces Zéro Déchet pour réduire votre consommation de protections hygiéniques jetables ? Partagez vos commentaires !
Du Free bleeding aux produits qui se préoccupent de limiter leur empreinte écologique en supprimant le plastique à usage unique et autres substances chimiques : les alternatives aux protections hygiéniques jetables existent. Il est, par conséquent, possible, et même économiquement avantageux, de se tourner vers des solutions plus éthiques et soucieuses de l’environnement : modes de vie ou entreprises qui manifestent concrètement leur engagement pour un avenir durable. De plus, votre porte-monnaie vous dira merci !
Merci pour cet article, très instructifs! J’ajouterais que ces solutions écologiques devraient être distribuées gratuitement pour assurer leur accès et prendre en compte les inégalités sociales et économiques dont sont encore victimes les femmes.