L’innovation technologique peut-elle servir la cause du Zéro Déchet ? Pour creuser la question, nous sommes allés sonder le point de vue de Aude, Tim et Luca, 3 jeunes acteurs locaux de l’innovation technologique en développement durable. D’ailleurs, vous les connaissez ! Vous rappelez-vous le concours poubelle Mint que nous avons récemment diffusé sur nos réseaux sociaux ? Eh bien ! Les créateurs de cette poubelle à compost qui sent bon, ce sont eux.
Charlotte pour ZeroWaste Genève
Très investis dans le développement durable, nos 3 jeunes entrepreneurs ont fondé la start-up Up Green Recycling en 2018. Comment est né leur projet ? C’est au cours de la formation Master Innokick (Renens) qu’ils se sont rencontrés. Tim et Luca se connaissaient déjà à travers la formation scientifique qu’ils ont tous les deux suivie à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (HEPIA). Aude, elle, est issue d’une filière commerciale en gestion d’entreprise. Les discussions animées qu’ils partagent alors autour d’apéros communs nouent leur amitié. Et c’est d’ailleurs en évoquant les nuisances olfactives des périodes de colocation estudiantine que naît l’idée de leur start-up. Un projet qu’ils vont alors mettre en place et développer en parallèle de leur travail respectif.
Pourquoi avoir choisi de vous investir dans le développement durable plutôt que dans un autre domaine ?
Aude : – Très vite, c’est la thématique des déchets organiques qui est sortie du lot en constatant que les déchets organiques ne sont recyclés qu’à hauteur de 45 % – au lieu de 90 % pour le verre, le PET et l’alu. Responsables de 40 % des émissions de CO2 des usines d’incinération, les déchets organiques finissent trop souvent à la poubelle ménagère et ça doit à tout prix s’arrêter ! Peut-être bien que ce type de déchets nous dégoûte, mais ce sont eux qui nous permettront de faire grandir ce qu’on mangera demain… On vit dans un monde dans lequel on ne peut plus se permettre simplement de jeter et de fermer les yeux. On doit être responsable des déchets qu’on produit.
Nos lecteurs vous connaissent à travers la poubelle Mint. En effet, nous en avons récemment parlé sur nos réseaux sociaux. Mais votre société s’appelle Up Green : proposez-vous d’autres produits, services ?
Pour le moment non. C’est d’ailleurs un problème : les gens ne font pas le lien entre Up Green et Mint ! On travaille sur de nouvelles solutions qui seront dévoilées plus tard dans l’année.
Votre poubelle Mint vise-t-elle un public en particulier ?
Oui. Elle a été pensée pour les ménages des centres urbains. Ceux qui vivent dans de petits appartements sans espace extérieur (comme des balcons) sont vite incommodés par les odeurs du compost, le jus et les moucherons. Alors, souvent, ils ne trient pas, car la gestion d’une poubelle verte est trop complexe.
Sentez-vous un intérêt de la part du public pour votre démarche ?
Oui. Les foyers qui habitent en centre-ville sont très intéressés par la poubelle Mint. Les ménages périurbains et ceux qui habitent en campagne aussi. Ils apprécient, en effet, d’avoir une solution intermédiaire entre la cuisine et le jardin. On touche un large public, mais avec une prédominance pour les plus de 30 ans.
En quoi consiste la poubelle Mint ? Comment fonctionne-t-elle ?
Le système de la poubelle Mint est basé sur un système de mise sous vide qui ralentit la décomposition des déchets organiques, le tout sans apport d’énergie électrique. Son utilisation est plutôt simple. Pour l’ouvrir, on amène la poignée vers l’arrière de la poubelle, on ouvre le couvercle, on place les déchets, on referme le couvercle, on ramène la poignée sur l’avant et on pompe sur le dessus de la poubelle (une dizaine de fois). Ensuite, on réitère ce processus à chaque fois qu’on rajoute des déchets. Cette poignée, qui fait office de verrouillage-déverrouillage, permet de remettre de l’air à l’ouverture.
Ce système est le fruit de plusieurs années de travail. Pour nos ingénieurs, Tim et Luca, la conception de Mint a été un vrai casse-tête pour que son utilisation soit à la fois intuitive et efficace. Ils ont fait de nombreuses adaptations à la suite de tests utilisateurs. Par exemple, lorsque Mint est fermée, elle se verrouille, ce qui, pour la petite anecdote, plaît beaucoup aux propriétaires de chats, les matous n’arrivant pas à ouvrir le couvercle avec leurs pattes :-).
Où peut-on acheter votre poubelle Mint ?
Pour le moment, le seul moyen d’avoir Mint c’est de la commander sur notre site web up-green.ch.
Pensez-vous que l’innovation technologique de produits plus durables, comme Mint, puisse répondre à la crise environnementale ? L’innovation technologique n’est-elle finalement pas une réponse consumériste de plus ? Un sparadrap pour une crise plus profonde ?
Excellente question :-). On ne change pas une habitude du jour au lendemain, mais progressivement. Par étapes. L’innovation technologique que nous proposons, comme toute innovation technologique d’ailleurs, n’est pas une réponse absolue à la crise. Mais elle a le mérite de permettre aux gens de se familiariser avec le compostage, ce qui est déjà un progrès vers plus de durabilité. Notre solution permet aux gens de composter de manière simple et commode. Sans désagréments… Si tout le monde se met à trier ses déchets, ce sera déjà un grand pas. Et puis, nous avons tout fait pour que notre produit soit le plus durable possible : toutes les pièces d’usure peuvent être changées, par exemple. Nous sommes aussi très fiers d’avoir entièrement développé Mint en Suisse et de la produire en Europe :-).
Quel type de marketing mettez-vous en place pour développer votre projet durable ?
La vente de nos poubelles Mint se fait essentiellement via le marketing digital, notamment à travers notre site web. Il y a aussi le bouche-à-oreille qui fonctionne très bien : nos clients qui ont acheté une poubelle Mint en décembre 2020 sont très contents et la recommandent à leurs proches. Et ça, c’est le meilleur marketing qu’on puisse avoir ! Il y a aussi la presse écrite. Lorsque nous avons une interview à la radio ou un article dans la presse, nous mesurons chaque fois un fort impact sur nos ventes. L’enjeu actuel pour nous, c’est de nous faire connaître. Si on a la chance d’avoir une belle visibilité à Genève, ce n’est pas encore le cas dans les autres cantons.
Pour conclure, quel(s) conseil(s) donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait se lancer dans l’entrepreneuriat du développement durable ?
L’un des meilleurs conseils qu’on puisse donner, c’est de travailler et de faire preuve de patience. Les obstacles ont été nombreux et il y en aura toujours… alors l’argent ne devrait pas être une motivation prioritaire. On a tous gardé un emploi en parallèle, entre 80 et 100%, et donc on travaille le soir, le weekend, etc. Il faut croire en ses idées, écouter les conseils des gens qui sont là pour nous soutenir. Trouver des solutions pour surmonter les obstacles. Et puis surtout, il faut placer l’utilisateur au centre des réflexions. Identifier le besoin et y apporter une solution. Travailler en équipe est aussi une grande force : on se soutient et on se challenge les uns les autres ! On a la chance d’être une équipe interdisciplinaire, chacun avec une expertise dans un domaine différent et cela nous apporte une vision incroyable !
Merci d’avoir répondu à mes questions, Aude. On vous souhaite une bonne continuation dans le développement de votre start-up Up Green et votre projet poubelle Mint.